Trempé dans plusieurs affaires juridico-politiques, en France et au Burkina, Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, a fait une déclaration officielle le vendredi 18 décembre pour, selon lui, clarifier les choses. À l’analyse de cette sortie, on note que Guillaume Soro a parlé sans vraiment rien dire.
Dans son intervention, Guillaume Kigbafori Soro a insisté à plusieurs reprises sur la nationalité ivoirienne de Michel Gbagbo, celui par qui est venue la plainte déposée devant la justice française. Selon le PAN (surnom acrostiche de ‘président de l’Assemblée nationale’ donné à Soro par ses proches), « la question essentielle que pose cette affaire est celle de la légalité d’une procédure qui consiste, pour une juge d’une juridiction nationale française, à convoquer en France pour l’entendre, un citoyen ivoirien pour des prétendus faits qui se seraient produits en Côte d’Ivoire et concernant deux Ivoiriens ».
De deux choses l’une, soit le président de l’Assemblée nationale ne sait pas vraiment ou il feint de ne pas savoir que Michel Gbagbo est né en France de l’union de Laurent Koudou Gbagbo, de nationalité ivoirienne et de Jacqueline Chamois, de nationalité française. À ce propos, le code de la nationalité française en son Article 18 dit « est Français l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des parents au moins est français. ». En axant son intervention sur la nationalité du plaignant, le sieur Soro tenterait de se détourner du fond de l’affaire qui est de savoir si oui ou non Michel Gbagbo a été victime de mauvais traitements de la part des éléments de l’ex-chef rebelle.
Guillaume Kigbafori Soro a également déclaré qu’il ne lui a jamais été notifié une quelconque commission rogatoire. Là encore, le chef du parlement ivoirien se trompe. Une commission rogatoire n’est pas censée être délivrée à la personne poursuivie. Elle l’est aux autorités judiciaires chargées de la faire exécuter. Aussi, pourquoi le PAN prétend n’avoir jamais entendu parler de cette commission rogatoire, quand, fin septembre 2015, son avocat maître Jean-Paul Benoit confirmait au confrère de Jeune Afrique la convocation de son client pour le 21 octobre par la juge Sabine Khéris.
Oui, la juge Khéris peut poursuivre Soro
Plus loin, Soro dénie même à Sabine Khéris le droit de le juger en déclarant : « Lorsque la Commission rogatoire internationale, conformément à la convention de coopération en matière de justice entre la République française et la République de Côte d’Ivoire du 24 avril 1961, me sera dûment notifiée, (…) il plaira à la juge française de venir en Côte d’Ivoire pour assister un juge ivoirien, seul qualifié pour m’entendre ».
On se demande alors si l’action de la juge Khéris est légitime au regard de la loi française. La réponse à cette question est oui. La juge a tous les droits de poursuivre et d’entendre notre PAN, au regard de la loi française. En effet, selon l’article 113-7 du Code pénal français, « la loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu’à tout délit puni d’emprisonnement, commis par un Français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l’infraction ». Au moment des faits, Michel Gbagbo était-il français ou non selon la loi de ce pays ? La question ne se pose même pas. Le fils de l’ancien président ivoirien étant né en France d’une mère française.
En outre, la juge Khéris était bel et bien en droit de produire un mandat d’amener contre le dauphin constitutionnel ivoirien. Car son immunité parlementaire ne se limite qu’aux 322 462 km² de la Côte d’Ivoire. Tout en sachant que Soro était en visite privée en France et non en tant que représentant du président à la COP 21, comme il a été annoncé plus tard. Aussi, si tant est qu’il était en mission pour le compte de son pays, pourquoi, a-t-il embarqué dans un avion pour rejoindre Abidjan le lendemain de la réception de son ordre de mission, alors que la conférence de Paris se poursuivait ?
Daouda Coulibaly