Alors que certaines études préfèrent parler de “zone G” plutôt que de “point G”, retour sur les mythes et les réalités du plaisir féminin, alors que l’on célèbre, ce 21 décembre, la journée mondiale de l’orgasme.
Orgasme clitoridien ou orgasme vaginal?
Le clitoris, bien que découvert en 1559 par le médecin italien Mateo Realdo Colombo, demeure ignoré pendant de longs siècles. Il faut attendre 1998 pour qu’une description exacte de son anatomie soit publiée par Helen O’Connell, urologue au Royal Melbourne Hospital en Australie, et 2005 pour que son équipe réalise la première IRM de l’organe érectile.
A partir de 2008, la gynécologue obstétricienne Odile Buisson et son confrère Pierre Foldès, qui “répare” les femmes excisées, mènent des recherches poussées sur les mécanismes de la jouissance féminine. Lucie Sabau, responsable des questions d’éducation à la sexualité et à l’égalité chez Osez le Féminisme, les rencontre en 2011 dans le cadre de l’élaboration de la campagne Osez le Clito qui vise à replacer le plaisir des femmes au centre de la sexualité: “Ils m’ont expliqué qu’il n’existait pas d’orgasmes clitoridien et vaginal, mais que les deux étaient liés, et que le clitoris occupait une place centrale dans le plaisir.”
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L’orgasme féminin, point culminant de l’excitation sexuelle résultant de la stimulation d’une ou plusieurs zones érogènes, se manifeste par des contractions musculaires du périnée à durée et récurrence variables. Au niveau cérébral, il agit sur le système limbique (responsable de l’olfaction, de la mémoire, et de la régulation des émotions) et le système de récompense du cerveau qui génère le plaisir.
“Le plaisir féminin a toujours été présenté comme plus riche que le plaisir masculin”
Encore souvent tabou, le plaisir clitoridien constitue une source de blocage ou d’inquiétude chez certaines femmes. Léonore, 32 ans, en couple avec un homme depuis 14 ans confie: “J’ai toujours réussi à atteindre l’orgasme en me masturbant mais j’éprouvais aussi du plaisir à la pénétration. Un jour, j’en ai discuté avec une amie, qui m’a expliqué que j’étais clitoridienne. Cela m’a perturbé car il me semblait compliqué de distinguer clairement ces deux types de jouissance. Pendant un temps, j’ai pensé que je m’étais trompée et que je n’avais jamais véritablement eu d’orgasme.”
Giulia Foïs, journaliste, auteure de Point G comme Giuilia (éd. Plon, avril 2014) et animatrice de l’émission du même nom sur Le Mouv’ (interrompue depuis le 27 juin dernier) estime pour sa part que “le plaisir féminin a toujours été présenté comme plus riche que le plaisir masculin (orgasmes multiples, femmes fontaine) mais tempéré par le fait qu’il soit difficilement accessible (l’idée reçue selon laquelle les femmes sont complexes et qu’elles ont besoin d’être amoureuses pour avoir un orgasme…). L’idée d’un point G, qui rendrait le plaisir des femmes tout aussi mécanique que celui des hommes, panique ces derniers.”
Le mythe du point G
Le terme de point G, employé pour la première fois en 1981 par le chercheur américain Frank Addiego, fait référence aux travaux pionniers du scientifique allemand Ersnt Gräfenberg dans les années 1950, et définit une zone du vagin qui, stimulée, mènerait à l’orgasme.
En 2012, l’Américain Adam Ostrzenski de l’Institut de gynécologie de St Pétersbourg en Floride, dissèque la paroi intérieure d’un vagin et déniche une petite cavité proche de l’orifice de l’urètre. Pas de doute, c’est ce fameux point G. Les pseudo conseils pour le trouver abondent dans les colonnes des magazines féminins: en solo, insérer deux phalanges pliées dans le vagin. A deux, expérimenter des positions qui favorisent son excitation: levrette, cuillère, lotus ou cheval renversé…
Selon Yves Ferroul, sexologue à la retraite et auteur de Le Secret des femmes: Voyage au coeur du plaisir et de la jouissance (éd. Odile Jacob, 2012), cette quête effrénée culpabilise les femmes: “Certaines patientes lisent tellement d’articles sur le sujet qu’elles ressentent un malaise ou une anormalité à ne pas avoir trouvé le leur et ont l’impression de ne pas se connaître.”
Pour Caroline, 26 ans, célibataire et bisexuelle, l’essentiel consiste à déterminer sa propre source de plaisir: “Je n’ai jamais cherché mon point G car je n’en ressens pas le besoin. Je connais suffisamment mon corps pour pouvoir dire qu’il n’existe pas en tant que tel. De la même manière que chacun a sa façon de faire l’amour, chacun a sa façon de jouir, sexe, genre et orientation sexuelle confondus.”
Une zone G plutôt qu’un point G?
L’été dernier, des chercheurs italiens de l’université Tor Vergata à Rome révèlent l’existence d’une zone bien plus vaste nommée “complexe CUV” (clitoris, urètre, vagin) qui serait responsable de l’orgasme. Yves Ferroul partage cette thèse et explique l’érogénéité de cet endroit par la présence de bribes prostatiques: ” Quand l’embryon se forme, des bases anatomiques semblables se développent chez les filles et les garçons. Après le stade de la différenciation sexuelle, des restes de prostate peuvent subsister entre la paroi vaginale et l’urètre. A l’âge adulte, cette zone constituée de ces résidus peut être plus sensible chez certaines femmes.”
Le mystère semble résolu… au moins jusqu’aux prochaines études sur le sujet.
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