Philip KLA / Coll Donald KOFFI(Stg)
Candice Duparc(Fille d’Henri Duparc): «Le cinéma ivoirien est en danger»
«Il faut retourner au cinéma populaire»
Fille du célèbre réalisateur et producteur Henry Duparc, Candice Duparc est en ce moment de plein pied dans l’organisation du festival Afiba festival-Abidjan fait son cinéma. Ce festival dont la 1ère édition met en point de mire la célébration du 10ème anniversaire du décès de son père se déroule à Abidjan depuis le lundi 18 et ce jusqu’au samedi 23 avril a au menu des conférences-débats, des ateliers de formations et des projections gratuites.
Vous êtes de plein pied dans l’organisation du festival Afiba-Abidjan fait son cinéma, à quel moment a germé l’idée d’un tel festival en hommage à votre père?
Cet événement est à l’initiative de la fondation Henri Duparc dont la présidente est Mme Henriette Duparc, ma mère. C’est donc une initiative personnelle, c’est-à-dire que ce festival a été conçu par ma mère, mes deux sœurs et moi. Nous avons décidé de l’organiser pour rendre hommage à Henri Duparc dans le cadre de la célébration du 10ème anniversaire de la disparition du défunt.
Mais pourquoi c’est seulement dix ans après sa mort que naît un tel festival et pourquoi ce sont ses enfants qui sont à l’initiative?
L’initiative vient des enfants parce qu’au fait, nous les enfants, nous avons conscience de la richesse que nous avons, du patrimoine que notre père nous a laissé, qui est un patrimoine cinématographique important. En fait, nous nous sommes rendu compte aussi que toute une génération, par exemple ceux qui ont 25 ans aujourd’hui en Côte d’Ivoire ne connaissent pas Henri Duparc, ne connaissent pas ses films non plus. C’est en cela que nous nous sommes dit qu’il était important de faire quelque chose pour lui rendre hommage. Justement, cet hommage, nous l’avons voulu festif à travers un festival du cinéma. Comme notre père était également connu et aimé des ivoiriens, nous avons voulu un festival qui soit national. Cela pour permettre à la population de tout savoir savoir sur l’homme tout en leur offrant ses œuvres. Aussi pour ceux qui ne l’ont pas connu, nous leur offrons l’occasion, à travers ce festival de le découvrir.
Cela dit, vous ne pensez pas qu’il revenait à la nation ivoirienne de rendre cet hommage national à Henri Duparc qui a beaucoup apporté au cinéma ivoirien?
Il a eu la reconnaissance nationale. D’ailleurs, pour ce festival, nous avons eu le soutient du ministère de la Culture et de la Francophonie, la présidence de la République et le ministère de la communication pour ne citer que ces institutions. Pour dire que les gens se sont vraiment impliqués pour la réussite de cet événement. Toutefois, ce qui nous inquiètent, c’est que les générations de maintenant ne connaissent pas le réalisateur et le cinéma en Côte d’Ivoire est un cinéma qui est en danger. Voilà, tout le sens de l’organisation de ce festival.
Comment ça le cinéma ivoirien est en danger?
Le cinéma ivoirien est en danger parce que c’est très très compliqué de faire ce métier. Pire, malgré toute la bonne volonté des jeunes talents ivoiriens que nous pouvons avoir aujourd’hui, ils font face à de vraies difficultés, de vraies contraintes. Cela se ressent au niveau du manque de financement qui s’avère être un vrai parcours de combattant. Secondo, le circuit de distribution n’est pas forcement développé ici en Cote d’Ivoire, c’est vrai nous avons des salles de cinéma comme celles du cinéma Majestic mais ce sont des salles qui coûtent très chères. Du coup, tout le monde ne peut y accéder. Il faut revenir par exemple au cinéma populaire que nous avions à l’époque, des cinémas de quartier gratuit et qui mobilisent le maximum de personnes pour profiter du cinéma. Enfin, la troisième problématique c’est la formation. Les jeunes talents, les réalisateurs et même les techniciens dans le métier du cinéma n’ont pas la formation nécessaire pour faire du travail de qualité, je ne veux pas dénigrer qui que ce soit mais c’est la triste réalité. D’où la mise sur pied de la Fondation Henri Duparc pour aider tous ces jeunes réalisateurs et de façon globale, pour aider le cinéma ivoirien. Donc le premier objectif de la fondation indépendamment de la gestion des droits d’auteur des films d’Henri Duparc, ce sera de mettre en place un système de formation régulièrement avec des mentors de l’étranger qui vont venir ici dispenser des formations à toutes les personnes qui en ressentiront le besoin.
Justement en dehors de la formation, qu’est-ce que vous avez déjà fait concrètement avec la fondation Henri Duparc?
Juste Afiba, la fondation a été nouvellement créée, elle est née seulement le mois dernier. Donc elle est toute nouvelle mais pour ce qui concerne les droits d’auteur d’Henri Duparc, nous nous en occupons depuis son décès. À ce niveau, nous nous sommes chargé de la vente de ses films aux chaînes de télé, dans les festivals. Aussi, nous avons des contrats de distribution avec des sociétés. Notre objectif en entreprenant une telle démarche est que les films d’Henri Duparc ne se perdent pas mais qu’ils restent toujours d’actualité.
Dix années après la disparition d’Henri Duparc, pensez-vous que sa philosophie, sa façon de voir les choses a été adoptée par bon nombre de cinéastes?
Bien sûr. Les films d’Henri Duparc sont intemporels, c’est-à-dire que les thématiques qui y sont abordées, les sujets graves qui y sont abordés sur le couvercle de l’humour sont les problématiques d’aujourd’hui. Par exemple, si vous regardez aujourd’hui un film comme ”Joli cœur” sorti en 1992, vous verrez que rien n’a changé. C’est vrai qu’il y avait un Henri Duparc par sa façon de réaliser les films, son humour et tout ce qui va avec mais il y a d’autres cinéastes qui ne font pas forcément ce que faisait Henri Duparc qu’il faut aider à faire émerger, aider à faire sortir.
Revenons à Afiba 2016 qui a démarré depuis le lundi 18 avril, quelles sont les grandes articulations de ce festival?
Effectivement, le festival a démarré depuis le lundi 18 avril 2016 à 19h30 par une cérémonie d’ouverture en présence de tous les officiels. Au cours du festival, nous aurons d’une part une formation à dispenser par l’École des Gobelins de Paris sur les bases de l’animation 2D pour ceux qui souhaiteraient faire des dessins animés. Cette formation est payante mais pas très chère pour les professionnels et les amateurs. Les inscriptions ont déjà été bouclées et les cours ont commencé. Ces cours vont durer trois jours. À côté de la formation, nous avons des ateliers pour débattre de la problématique du cinéma. Ce sont des ateliers de base avec un président du comité scientifique en la personne de M. Paul Charlemagne Koffi, consultant ayant travaillé plus de 30 ans à l’organisation internationale de la Francophonie(Oif). Également dans ce comité, nous avons comme modérateur M. Michel Koffi, journaliste à Fraternité Matin, spécialiste des questions de cinéma. À coté de cela, nous avons d’autres professionnels qui interviendront sur ces différentes problématiques. Les problématiques répondront à une question qui est «Cinéma d’Afrique, impossible industrie». Il s’agira là, pour nous de c’est passer en revue tous les défis du cinéma ivoirien par exemple le numérique, la législation sur le cinéma ivoirien, les écoles du cinéma, l’apport de l’État dans l’industrie du cinéma, entre autres. Après les ateliers qui continuent jusqu’à jeudi dans l’après-midi de 14h a 18h, nous aurons des projections gratuites de films à la Place Ficgayo de Yopougon, Place Inch’allah de Koumassi. Les projections se feront de 19h jusqu’à 3 h du matin. Ce sera l’occasion également de voir et revoir tous les films d’Henri Duparc. Des projections seront également faites à l’Institut Français pour ceux qui ne veulent pas aller en plein air. J’invite donc les populations à venir massivement regarder tous ces films.
Quelle sera la périodicité d’Afiba festival?
Le festival pour l’instant, se veut annuel. Toutefois, tout dépendra de l’engouement autour de l’événement. Cette année, par exemple, nous nous sommes focalisé sur Henri Duparc parce que cela coïncide avec la célébration de son 10ème anniversaire de décès. Certainement, les éditions à venir, la thématique va évoluer.
Un appel à lancer pour terminer cet entretien?
D’abord demander aux populations de se rendre massivement aux différents lieux de projections. Nous n’avons pas voulu d’un festival triste sous prétexte qu’Henri Duparc nous a quitté. Nous voulons donc donner une connotation de charme, d’amour, de convivialité et de joie à ce festival parce que c’est cela la vision du disparu. Que les gens viennent donc vivre ces moments-là.
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